L’HORREUR LOW-REZ – POLYGONES, JAPAN HORROR ET SPECTRES RÉTRO

Depuis une décennie déjà, le jeu vidéo d’horreur a pris une nouvelle forme grâce aux productions indépendantes, revigorant le genre entier d’images fortes. Comme le cinéma de genre dont ils reprennent l’iconographie et les codes, les jeux d’horreur sont un vivier d’expérimentations et essais en tout genre, allant du classique Slender : The Arrival au cauchemardesque Neverending Nightmare. Popularisé par les publications frénétiques de vidéos YouTube de réaction où l’on voit les joueurs et joueuses du monde entier terrifiés, le succès mondial d’Amnesia : The Dark Descent en 2010 a ouvert une boîte de Pandore dont le genre ne s’est toujours pas remis. Grâce à la démocratisation des outils de création de jeux et désormais une audience plus large pour des jeux de niche, un nouvel âge d’or s’annonçait. S’il y a bien eu une abondance inimaginable de jeux – le magasin en ligne Steam en étant inondé – il faut bien avouer qu’on s’attendait à plus de variété dans les propositions. Ce qui sonnait comme une révolution qui allait démocratiser le jeu d’horreur est finalement devenu un « genre à youtubers » aux codes attendus : vue à la première personne, pages de carnet à collecter, interaction minimale, environnements peu inspirés. Les ingrédients typiques d’un train fantôme mal réalisé. En bref : jumpscare partout, terreur nulle part.

Si bien entendu certains jeux marquent l’essai – on pense à Layers of Fear ou Outlast 2, un courant atypique semble se dégager depuis peu.

L’horreur basse résolution

Nostalgique des débuts de l’horreur en 3D, plusieurs créateurs revendiquent un nouveau paradigme dans le jeu vidéo d’horreur. Polygones grossièrement taillés, textures basse résolution et travail par l’épure : tout est fait pour rappeler l’esthétique horrifique de l’époque Playstation 1.

À la manière du found footage, il est question de mystère des images : on y explore des espaces granuleux, brouillés, aux couleurs étranges. Au lieu de jouer la carte de l’obscurité totale, ce design préfère l’étrange au spectaculaire.

Une compilation intitulée Haunted PS1 Demo Disc 2000 regroupe par ailleurs différents jeux à l’ambiance similaire. Tous sont accessibles ici.

Trailer Haunted PS1 Demo Disc 2000 :

Par ailleurs, le jeu vidéo Signalis était l’un de nos finalistes du 6ème Indie Game Contest il y a deux ans. Mélange réussi entre l’animation japonaise, une terreur inspirée par Silent Hill et un ancrage dans le cyberpunk spatial, l’oeuvre signée rose-engine est un projet que l’on suit de très près.

Trailer de Signalis :

Dans cet esprit pixelisé, Chilla’s Art, studio japonais composé de deux frères, produit de nombreux jeux mêlant l’horreur façon Slenderman à l’esthétique PS1. À la technique bancale et à la réalisation inégale, ces jeux sont hantés de l’esprit typique de la Japan Horror. Caméra à l’épaule, Inunaki Tunnel vous fait traverser un tunnel maudit où des gens auraient trouvé la mort. Grain à l’image, interface de caméra, brouillage numérique, tout est là pour ajouter à l’incertitude de ce que l’on voit  l’angoisse d’une situation déjà mal partie. Un autre jeu, Aka Manto vous met dans la peau d’une adolescente poussée par ses camarades à explorer une école de nuit. L’occasion – évidemment – de faire la rencontre d’insectes géants et d’un spectre issu d’une légende urbaine vous traquant sans relâche. En somme, ces petits jeux, que l’on finit en une heure tout au plus, rappelle avec force qu’il existe toujours une voie différente dans l’horreur vidéoludique, faite de polygones mal taillés et de pixels apparents.

L’ensemble des jeux du studio Chilla’s Art sont à retrouver ici.