Terminez le confinement en sortant des sentiers battus avec ces trois films qui font de même. Ils font preuve d’originalité dans un genre qui, comme la plupart des genres, a tendance à se répéter. Deux de ces films traitent de l’irrationalité, mais ne vous attendez pas à trouver des réponses, ils vous laisseront dans l’obscurité. Le troisième est une comédie qui n’y va pas par quatre chemins pour aborder le thème du désir sexuel, mais qui se déroule à une époque et dans un lieu très inattendus. Trois films tordus, qui viennent perturber toutes tentatives de catégorisation.
Black Moon – Louis Malle, France, 1975
Une guerre totale opposant les hommes et les femmes éclate. Une jeune femme, Lily, cherche refuge dans une maison de campagne isolée. Elle entre dans un monde dans lequel cohabitent humains et animaux, et où les moyens de communication traditionnels sont bouleversés.
Une femme alitée reçoit des informations sur la guerre de Troie grâce à une radio à ondes courtes qui traverse le temps. Certains animaux parlent, d’autres communiquent avec les humains par le biais de sons indéchiffrables tandis que d’autres humains dans la maison communiquent avec des gestes. Parfois, des crises de violence meurtrière éclatent, mais Lily finit par trouver sa place dans ce monde irrationnel : elle donne le sein à une licorne.
Sommes-nous dans une autre dimension ? Un rêve ? Sommes-nous tombés dans le terrier du lapin ? Réalisateur habituellement ancré dans un réel bien défini, Malle oblige ici les spectateurs à naviguer à l’aveuglette dans ce film sans contexte, presque sans mots. Réjouissons-nous tout simplement de l’audace de cette surprenante incursion dans le fantastique.
Suffering of Ninko – Norihiro Niwatsukino, Japon, 2017
Dans un petit village japonais, Ninko, un apprenti moine bouddhiste vertueux et chaste, est victime d’une malédiction (ou possède un don, selon le point de vue) : les femmes éprouvent pour lui une attirance sexuelle si puissante qu’elles en perdent tout contrôle. Il ne laisse pas non plus ses confrères moines indifférents. Horrifié, il quitte la vie monastique et devient un vagabond solitaire. Mais tout bascule lorsqu’un samouraï lui demande de l’aide pour affronter un fantôme féminin archaïque et meurtrier, détestant les hommes.
Mélange dynamique de prises de vues réelles et de gravures japonaises en mouvement, cette fable d’époque revisite de manière complètement inattendue la comédie sur le passage à l’âge adulte et la découverte de soi dans le Japon du shogunat.
Kosmos – Reha Erdem, Turquie, 2009
Battal, alias Kosmos, entre dans la ville anatolienne de Kars de la même manière qu’il va en sortir : en courant, poursuivi par la police. Entre ces deux instants, il est reçu en héros par les habitants après avoir ressuscité un garçon d’entre les morts. Au cours du film, il devient évident qu’il est doté d’attributs et de pouvoir surnaturels, en lien avec les étoiles. Battal n’a pas besoin de se nourrir, il marche aussi bien par terre qu’au plafond et semble posséder un lien étrange avec les oiseaux. Sa présence dérègle les horloges et il guérit les malades. Ce qu’il fait jusqu’à ce qu’un garçon dont il soigne le mutisme meure soudainement. Son comportement joue en sa défaveur – il vole ; il fuit le travail et parle ouvertement de sexe – et les habitants ne tardent pas à se retourner contre ce visiteur énigmatique et dissident.
Porté par la richesse de sa thématique, accompagné par une cinématographie éclatante et une bande-son intense, Kosmos est un film qui déroute autant qu’il fascine. Il présente également l’un des anti-héros les plus étranges et les plus attachants du cinéma fantastique. Après sa première à la Berlinale en 2009, ce film de genre d’auteur demeure un trésor caché au sein des festivals.